II.1.1. Description
Comme mentionné précédemment, la médecine traditionnelle chinoise intègre deux grands mécanismes appelés Plénitude et Vide. La Plénitude renvoie à une accumulation, un surplus, un blocage, une congestion, un hyperfonctionnement. Le Vide désigne une insuffisance, une déficience, un hypofonctionnement. Ainsi les tableaux pathologiques du Foie (c’est également le cas pour tous les autres viscères) seront-ils des tableaux de Plénitude ou des tableaux de Vide ou encore des tableaux de Vide-Plénitude. A l’exception de l’hémochromatose, pour laquelle un hyperfonctionnement hépatique est proposé par défaut, puisqu’il n’y a pas de signes d’insuffisance hépatique (référence bibliographique [1]), la médecine occidentale décrit pratiquement exclusivement une diminution de la fonction hépatique. En médecine occidentale toujours, l’hyperfonctionnement est bien documenté pour les glandes endocrines: hyperthyroïdie, hyperfonctionnement des glandes surrénales, hypersécrétion d’insuline par le pancréas…Aussi peut-il être intéressant de rappeler, s’il faut argumenter en faveur d’un hyperfonctionnement possible du foie, que le foie a également une fonction hormonale, puisqu’il est notamment le principale producteur d’IGF (facteur de croissance insulin-like) (références bibliographiques [2], [3]). Ainsi, si l’on devait tenter de rapprocher les pathologies hépatiques décrites par la médecine occidentale, des déséquilibres de la médecine traditionnelle chinoise, en se basant sur « l’atteinte fonctionnelle » du foie, la quasi-totalité des pathologies seraient considérées comme du Vide.
Maintenant, si l’on considère les tableaux pathologiques du Foie de la médecine traditionnelle chinoise, Maciocia (référence bibliographique [4]) considère sept tableaux de Plénitude, deux tableaux de Vide, deux tableaux de Vide-Plénitude et quatre tableaux complexes. La classification internationale des maladies de la médecine occidentale (référence bibliographique[5]), répertorie quarante-neuf pathologies regroupées en huit catégories. Ainsi, nous voyons qu’une approche « linéaire » d’association des pathologies hépatiques décrites par la médecine occidentale et des tableaux pathologiques de la médecine traditionnelle chinoise, serait illusoire.
Les regroupements que je propose dans la suite du paragraphe, sont établis sur la description des troubles, des symptômes…
Avant de passer au travers des différents tableaux pathologiques du Foie dans lesquels se retrouve la sensation vertigineuse et de tenter de les associer à des pathologies hépatobiliaires décrites par la médecine occidentale, il est intéressant, même si ce n’est pas pertinent par rapport au vertige, mais simplement à titre d’information, de mentionner le parallèle qui peut être établi entre la stagnation de Qi du Foie et la congestion hépatique de la médecine occidentale. La congestion hépatique (références bibliographiques [6], [7]) est une accumulation de sang dans le foie. Elle est due à une anomalie circulatoire du foie, provoquant, entre autre, une augmentation congestive du volume du foie, ainsi qu’une sous-oxygénation du foie (hypoxie), avec possibilité de fibrose et de cirrhose (cirrhose cardiaque). La congestion hépatique entraîne notamment une surcharge de toxines que le foie ne parvient pas à éliminer.
Les symptômes sont
– sensation de lourdeur de pesanteur,
– sensation d’être barbouillé,
– envie de vomir,
– douleurs hépatiques,
– digestions difficiles,
– nausées,
– constipation
– intolérance plus ou moins grande à certains aliments,
– bouche pâteuse,
– fatigue,
– vertiges,
– urticaire,
– prurit,
– maux de tête de type migraineux
– irritabilité
– instabilité nerveuse.
Le Qi est une notion difficile à traduire. La définition qu’en donne O. Coste sur son site internet (référence bibliographique[8]) me semble assez parlante : « J’ai l’habitude, en plaisantant, de répondre : « l’énergie, c’est ce qui a disparu lorsqu’on est mort », le mouvement vital, la circulation du sang, de la lymphe, de l’influx nerveux, la respiration des cellules, l’élimination des déchets. Rien d’ésotérique là-dedans… du mouvement en somme…l’activité vitale du corps ». La stagnation du Qi du Foie de la médecine traditionnelle chinoise provoque des stases de sang. Ainsi stagnation du Qi du Foie et stases de Sang du Foie pourraient être assimilée à la congestion hépatique, tant par l’aspect anomalie de circulation que par les symptômes. En effet, les manifestations cliniques d’une stagnation du Qi du Foie sont (référence bibliographique [4]):
– Sensation de distension au niveau des hypocondres et de la poitrine, douleurs des hypocondres,
– soupirs, hoquets
– Mélancolie, état dépressif, humeur instable, fluctuation de l’état psychologique
– Nausées, vomissements, douleurs épigastriques, mauvais appétit, régurgitations acides, éructations,
– Pouls : en corde, tout particulièrement du côté gauche
– sensation de pulsation dans l’épigastre, sensation de « bouillonnements » dans l’estomac, distension abdominale, borborygmes, diarrhées.
– Sentiment d’être malheureux, d’être « tendu », impression d’avoir la gorge nouée, sensation de ne pouvoir déglutir.
– Règles irrégulières et douloureuses, distension des seins avant les règles, tension et irritabilité prémenstruelles.
– Langue : la couleur du corps de la langue peut être normale.
Les manifestations cliniques de stases de Sang du Foie sont :
– douleurs des hypochondres
– douleurs abdominales
– vomissement de sang
– épistaxis
– règles douloureuses et irrégulières
– sang menstruel foncé avec des caillots
– difficultés à concevoir
– masse dans l’abdomen
– ongles et lèvres pourpres
– teint pourpre ou foncé
– peau sèche
– pétéchies pourpres
Nous constatons que les manifestations de la sphère digestive sont partagées par la médecine occidentale et la médecine traditionnelle chinoise et que chacune reconnait également des manifestations émotionnelles. Par contre, si l’origine de la congestion hépatique est purement mécanique, les problèmes qui surviennent dans la vie émotionnelle : frustration, colère refoulée, ressentiment, sont de loin la cause principale de stagnation de Qi du Foie (référence bibliographique [4]), ainsi que l’incapacité de s’adapter à un stress.
En MTC, la stagnation engendre une chaleur extrême appelée Feu du Foie. Le Feu du Foie assèche les liquides organiques entraînant des signes et symptômes de sécheresse tels que :
– constipation avec selles sèches,
– urines peu abondantes et foncées
– yeux et visage rouges,
– goût amer dans la bouche
Les autres manifestations cliniques du Feu du Foie sont :
– tremblements,
– irritabilité,
– propension aux accès de colère,
– acouphènes et ou surdité (d’apparition soudaine),
– céphalées temporales,
– sensations vertigineuses,
– soif,
– sommeil perturbé par les rêves,
– épistaxis, hémathèse, hémoptysie.
– Pouls rapide, en corde, Plein
(références bibliographiques : 4, [9])
Le feu interne peut être causé par une activité émotionnelle excessive, des abus alimentaires ou de sexe.
Cette notion du feu se retrouve dans l’inflammation, caractérisée surtout par la chaleur, la douleur, la rougeur et la tuméfaction de la partie malade du tissu hépatique, qui définit l’hépatite de la médecine occidentale. Les causes d’hépatites sont multiples (références bibliographiques [10], [11], [12], [13]). Elles peuvent être virales ou bactériennes, vasculaires, toxiques, auto-immunes. Les hépatites vasculaires correspondent soit à des infarctus du foie, soit à des stases veineuses, c’est à dire des blocages de la circulation en aval du foie. Cela peut être une insuffisance cardiaque, une thrombose portale (obstruction par un caillot de la veine qui va du foie au cœur) ou une compression de cette veine avec blocage du flux sanguin dans le foie. Parmi ses multiples fonctions, le foie assure la neutralisation et l’élimination de nombreuses substances présentes dans le sang. Lorsque la quantité ou la puissance du toxique dépasse les capacités métaboliques du foie, il attaque et détruit les cellules hépatiques : c’est l’hépatite toxique. L’alcool est le principal agent des hépatites toxiques dans le monde. Les hépatites toxiques peuvent aussi être liées à des empoisonnements par des champignons qui provoquent une hépatite grave, souvent mortelle. De nombreux produits industriels ou ménagers sont toxiques pour le foie :
– les solvants comme le tétrachlorure de carbone, le toluène, le xylène,
– les hydrocarbures halogénés (chlorés, fluorés, bromés),
– le benzène,
– le phosphore et ses dérivés,
– le chlorure de vinyle,
– les métaux lourds : plomb, arsenic, béryllium, cuivre,
– des insecticides et pesticides agricoles.
Les hépatites médicamenteuses s’apparentent aux hépatites toxiques. Beaucoup de médicaments peuvent induire des hépatites en cas de surdosage. Les chimiothérapies anticancéreuses induisent régulièrement des hépatites passagères et réversibles. Tous les médicaments métabolisés par le foie peuvent induire, à dose normale, des hépatites chez des sujets prédisposés, sensibles, ou accumulant les risques (alcool, autres médicaments). Près de 1 000 médicaments sont répertoriés comme susceptibles de provoquer une hépatite toxique. Parmi les médicaments courants connus pour leur toxicité hépatique se trouvent notamment :
– le paracétamol, à doses massives (risque de mort au-delà de 25 g pour un adulte sain, bien en dessous sur un foie déjà lésé par l’alcool) ou en traitement prolongé
– l’aspirine
– les antalgiques et anti-inflammatoires comme le diclofénac
– les contraceptifs oraux et autres hormones œstrogènes
– des antipsychotiques de type phénothiazines
– des antiépileptiques dérivés de l’acide valproïque
– des antibiotiques : érythromycine, cycline, nitrofurantoïne, chloramphénicol, isoniazide, kétoconazole (anti-champignons)
– des hypotenseurs : captopril, méthyldopa, diurétiques thiazidiques
– des médicaments contre le cholestérol, fibrates ou statine
– des gaz anesthésiques : chloroforme, halothane
– des anticancéreux
– les antithyroïdiens de synthèse… et bien d’autres.
Les symptômes d’une hépatite varient en général selon la cause, mais certains signes sont communs à toutes les hépatites à savoir :
– urines foncées
– selles claires
– nausées
– foie pouvant présenter une sensibilité au toucher, douleurs abdominales,
– fatigue,
– fièvre,
– perte d’appétit,
– maux de tête,
– douleurs ostéoarticulaires,
– jaunisse (ictère) caractéristique mais pas spécifique de cette maladie
– bouche pâteuse,
– digestion difficile,
– constipation,
– intolérance plus ou moins grande à certains aliments
– urticaire
– prurit : trouble de fonctionnement des nerfs cutanés, provoquant des démangeaisons, dû à une affection de la peau, ou à une pathologie générale
– irritabilité
– instabilité nerveuse
De façon tout à fait intéressante, l’hépatite et le Feu du Foie partagent plusieurs manifestations telles constipation, urines foncées, goût amer dans la bouche ou bouche pâteuse, irritabilité, propension aux accès de colère ou instabilité nerveuse, céphalées, renforçant éventuellement le rapprochement établi entre les deux.
Le Feu du Foie peut engendrer un Vent du Foie : cette situation intervient sous la forme de convulsions aux stades avancés des maladies fébriles chez les enfants, mais survient plus fréquent chez les personnes âgées. Ce processus peut être comparé au vent naturellement engendré par un immense feu de forêt. Le Vent du Foie peut également provenir d’une chaleur externe extrême qui s’est transformée en chaleur interne, d’une montée de yang du Foie ou d’un vide de sang du Foie.
Avant de développer cette notion de Vent du Foie, il est important de préciser de quoi nous allons parler. En médecine traditionnelle chinoise, le Vent peut être d’origine externe, faisant référence à l’exposition à un temps venteux, à une influence pernicieuse qui cause la maladie tout comme dans les expressions populaires françaises : « Tu as dû attraper un courant d’air dans l’œil », « Ferme cette porte ! Y’a un courant d’air ! Tu vas nous faire attraper la mort ! », « J’ai mal au dos ! Ce doit être un courant d’air ! », « Attraper un coup (ou courant) d’air dans l’oreille ». Le Vent externe correspondrait plutôt à des atteintes du système immunitaire telles rhume, grippe, sinusite, démangeaisons de la gorge, toux… Mais la médecine traditionnelle chinoise reconnait aussi l’existence d’un Vent interne, également pathogène, qui affecte préférentiellement le Foie (référence bibliographique [4]), d’où la nomenclature de Vent du Foie, et qui ne trouve pas d’équivalence dans la médecine occidentale. C’est au Vent du Foie, engendré par un Feu du Foie, que nous nous intéresserons spécifiquement dans ce qui suit.
Les manifestations cliniques du Vent reproduisent l’action du Vent dans la nature. Le Vent du Foie (références bibliographiques 1, [14]):
– se lève soudainement, souffle par intermittence, se déplace vite, change rapidement et, sous son influence, les signes et symptômes changent rapidement, se déplacent d’un endroit à l’autre du corps. On peut citer comme exemple de pathologies la polyarthrite au stade précoce.
– se manifeste par des sensations vertigineuses intenses avec l’impression que tout tourne autour de soi, des vertiges avec perte d’équilibre
– engendre des tremblements ou des convulsions. Tous les mouvements involontaires comme les tremblements de la maladie de Parkinson, les tics du visage, l’épilepsie ou les convulsions qui surviennent dans le cadre d’une maladie fébrile sont dus au Vent interne qui « secoue les tendons »
– peut provoquer acouphènes et / ou surdité, céphalées, vision trouble, irritabilité, propension aux accès de colère, rougeur de la face et des yeux, soif, goût amer dans la bouche,
– engendre l’engourdissement des membres ou des fourmillements, des spasmes des tendons.
– peut provoquer douleurs du dos, mictions peu abondantes, transpirations nocturnes, insomnies, sommeil perturbé par les rêves, constipation avec selles sèches
– peut aussi provoquer la perte de mouvements en bloquant la fonction musculaire : paralysie, tétanie, coma, rigidité du cou, dans les cas graves perte de connaissance, un opisthotonos (contracture de tous les muscles postérieurs du corps, donnant à celui-ci une attitude caractéristique : arqué en arrière, le malade, quand on l’allonge sur le dos, ne repose sur sa couche que par les talons et l’occiput), une hémiplégie et une déviation de la bouche.
– Montre un pouls en corde et rapide
La description des symptômes du Vent du Foie nous oriente sur les pathologies correspondantes décrites par la médecine occidentale (tableau 1). Ainsi le Vent du Foie correspondrait plutôt à des pathologies du système nerveux, maladie de Parkinson, épilepsie, convulsions ainsi qu’aux troubles oculaires avec les troubles de la vue et à des troubles classés dans « autres origines » parmi lesquelles apparaissent des facteurs environnements et notamment le vent qu’il semble naturel de rattacher au Vent externe de la médecine traditionnelle chinoise.
Notons que d’autres associations ont été proposées, par exemple par M. Wu et C. Cheng, dans leur article « Liver disease in traditional Chinese medicine » (référence bibliographique [15]). Les auteurs associent :
– l’hépatite aigüe avec jaunisse avec chaleur-humidité dans le Foie-Vésicule biliaire
– l’hépatite aiguë avec jaunisse sévère avec le feu du Foie d’origine toxique
– l’hépatite sans jaunisse avec la stagnation du Qi du Foie,
– l’hépatite chronique avec la stagnation du Qi et des stases de sang ou au Vide de Yin du Foie
Il peut sembler étrange que des troubles aussi variés que des pathologies du système nerveux, des troubles oculaires, des causes toxiques, le vent soient rattachés au Foie selon l’étiologie chinoise. Comme nous avons vu précédemment, en médecine traditionnelle chinoise, chaque organe est un système complexe.
Ainsi le Foie est il lié aux éléments suivants (tableau 2) (références bibliographiques [16], [4])
Tableau 2: le Foie de la médecine traditionnelle chinoise
Réalité anatomique | « Le foie pèse deux jin et quatre Liang et a trois feuilles à gauche et quatre feuilles à droite, au total sept feuilles » Nan Jing |
Substance vitale | Sang (fonction de stockage et de drainage) |
Emotion | colère |
Tissus | Muscles, tendons |
Organe des sens | yeux |
Liquide | larme |
Aspect mental et spirituel | L’âme éthérée |
Couleur | vert |
Climat | vent |
Saveur | acide |
Odeur | rance |
Son | cris |
Manifestation externe | ongles |
Viscère | Vésicule biliaire |
Il n’est pas question ici de décrire en détail le Foie mais simplement de focaliser sur les caractéristiques de ce système qui permettent de comprendre que des causes très variées de vertige, telles que décrites par la médecine occidentale, puissent être attachées au Foie.
Parmi les fonctions du Foie, la médecine chinoise indique notamment le drainage du sang. Cette fonction est équivalente à la fonction de détoxification décrite en médecine occidentale et l’on comprend aisément le rattachement des causes toxiques au Foie. Un point particulier peut être réalisé ici concernant l’alcool. En effet L. Moulonguet dans son article « Vertiges : étiologies » (référence bibliographique [17]) indique que le vertige lié à l’alcool proviendrait, dans un premier temps, de la diffusion de l’alcool dans la membrane des cupules labyrinthiques, ce qui modifie la densité relative de la cupule par rapport à l’endolymphe, induisant un vertige à chaque changement de position de la tête. Dans un deuxième temps, les molécules d’alcool passent dans l’endolymphe renversant le rapport de densité mais induisant également un vertige aux changements de position de la tête. Ainsi le vertige alcoolique pourrait il aussi être rattaché au Rein de la médecine traditionnelle chinoise, dont l’oreille est l’organe des sens, et dont nous parlerons dans le paragraphe II.4
Les troubles de la vue, myopie, troubles de la réfraction, amblyopie, le port de lunettes inadaptées ou une atteinte de l’oculomotricité suffisent à déstabiliser l’équilibre en fournissant des repères visuels faussés et créent des vertiges. C’est le cas par exemple dans un moyen de transport, où nous avons souvent une sensation de déplacement dans l’espace qui est erronée, le corps ressentant des mouvements que les yeux n’ont pas détectés ou inversement, les yeux appréhendent des mouvements que le corps ne sent pas. Cette accumulation d’informations contradictoires qui arrivent dans le cerveau crée le mal des transports. Un phénomène analogue est aussi la cause du «vertige d’altitude», celui que l’on ressent en haut d’un monument élevé, et qui relève simplement d’une perte de références visuelles (référence bibliographique [18]). L’appartenance des yeux au système Foie explique que les troubles oculaires lui soient rattachés. De même pourrait-on être tenté d’y rattacher les vertiges de la médecine occidentale, liés à la luminosité.
L’appartenance des tendons au Foie pourrait expliquer le rattachement à cette fonction, proposé par certains auteurs, de la maladie de Parkinson, de l’épilepsie, présentant respectivement tremblements, raideurs, réduction des mouvements et des contractions musculaires. Cette interprétation peut toutefois être discutée puisque la maladie de Parkinson est une maladie neurologique chronique dégénérative et l’épilepsie est caractérisée par une altération fonctionnelle transitoire d’une population de neurones. Or le cerveau appartient aux Moelles en médecine traditionnelle chinoise, qui font partie du système complexe du Rein. D’ailleurs, selon différentes sources (références bibliographiques 16, [19]), ces pathologies sont rattachées à la fois au Rein et au Foie dans un syndrome de Vide de Yin du Foie et du Rein. La faiblesse musculaire provoque des sensations de perte d’équilibre assimilées à des vertiges. Les muscles appartenant au système complexe du Foie, nous pouvons la rattacher à ce système.
Le vent est le climat attaché à la fonction Foie, aussi est il naturel que le vent, source de vertiges en médecine occidentale, lui soit rattaché.
Les éléments constituant le système complexe du Foie, ainsi que ses fonctions, permettent d’aller plus loin dans les associations avec les causes de vertiges décrites par la médecine occidentale. Ainsi, le bon équilibre du Foie permet de fixer les limites aux émotions et d’être simplement heureux (références bibliographiques [16], [4]), ce qui peut servir d’argument pour le rattachement des troubles psychiques et des problèmes de la vie émotionnelle au Foie.
Enfin, la « crise de foie », ou troubles hépatobiliaires, correspond à l’ensemble des troubles liés à :
– une insuffisance de sécrétion de la bile par le foie (petite insuffisance hépatique)
– une mauvaise vidange de la vésicule biliaire qui évacue mal, ou insuffisamment, dans l’intestin grêle, la bile dont elle est dépositaire
– des pathologies plus graves comme maladies hépatiques, lithiases vésiculaires, etc.
Dans tous ces cas, la symptomatologie est sensiblement la même avec (référence bibliographique [20]) :
– sensation de pesanteur douloureuse de la région hépatovésiculaire
– bouche pâteuse,
– digestion difficile,
– nausées,
– constipation,
– intolérance plus ou moins grande à certains aliments,
– urticaire,
– prurit,
– maux de tête de type migraineux
– irritabilité
– instabilité nerveuse.
De façon tout à fait surprenante, il est possible de noter une grande similitude des symptômes ci-dessus et des diverses manifestations cliniques décrites pour les différents troubles du Foie, énoncées tout au long de ce paragraphe. Les désordres hépatobiliaires font référence au lien entre le foie et la vésicule biliaire et nous constatons que foie (anatomique) et vésicule biliaire appartiennent tous deux au Foie en médecine traditionnelle chinoise. Ainsi pouvons-nous rattacher les troubles hépatobiliaires de la médecine occidentale (à l’exclusion des troubles liés à des calculs qui seront traités avec les Glaires) au Foie de la médecine traditionnelle chinoise.
La montée du Yang du Foie est la cause la plus fréquente des sensations vertigineuses, notamment chez les jeunes femmes. La montée du yang du Foie est, dans la plupart des cas, due à des problèmes émotionnels en particulier une colère, une frustration et un ressentiment durable. Manger à la hâte, se mettre en colère au moment des repas et travailler en mangeant, sont des situations qui peuvent toutes faire monter le Qi du Foie et engendrer le tableau de montée du Yang du Foie, qui se traduit par des vertiges assez graves, des acouphènes, des céphalées, la rougeur du visage, bouche amère, insomnies, rêves très nombreux, yeux rouges, paupières enflées, pouls tendu (plénitude), rapide (chaleur), langue rouge, enduit jaune (chaleur) (références bibliographiques [21], [22]). La tension émotionnelle et l’alimentation génèrent des déséquilibres de type Plénitude dont les manifestations cliniques spécifiques sont les suivantes : vision trouble, bouche et gorge sèches, pouls en corde, tics, impression d’être à bout de nerfs, raideur du couLa montée du Yang du Foie peut également provenir d’un vide de Yin du Foie qui se manifestera par des sensations vertigineuses, des engourdissements ou fourmillements des membres, des insomnies, une vision trouble, une sécheresse des yeux, une baisse de la vision nocturne, des menstruations peu abondantes ou aménorrhées, un teint pâle, terne et sans éclat, une faiblesse musculaire, des crampes, une dépression. Les manifestations cliniques d’une montée du Yang du Foie liée à un vide de Yin du Rein sont: tremblements, tics du visage, fortes sensations vertigineuses, acouphènes, céphalées, hypertension, gorge sèche, yeux secs, vision trouble, engourdissement ou fourmillement des membres, mauvaise mémoire, douleurs du dos, mictions peu abondantes, transpiration nocturnes. Que la montée du Yang du Foie soit due à un Vide de Yin du Foie et/ou un Vide de Yin du Rein, il en résulte un tableau mixte de Vide et de Plénitude.
II.1.2 Principe du traitement
Les traitements proposés par la médecine occidentale comprendront, comme précédemment mentionné, des antivertigineux pour lutter contre le mal des transports, le vertige d’altitude notamment, dans le cas du vertige lié à l’épilepsie par exemple ou aux troubles hépatobiliaires des médicaments destinés à traiter respectivement l’épilepsie et le foie ou la vésicule biliaire, l’arrêt de l’exposition aux substances toxiques (vertige d’origine toxique), le repos ou le recours à une canne ou un déambulateur dans le cas de vertige lié à la faiblesse musculaire, ou le port de bas de contention, une bonne hydratation pour faciliter une bonne circulation sanguine dans le cas de la maladie de Parkinson à l’origine, semble-t-il, d’une dysrégulation orthostatique responsable des vertiges (référence bibliographique [23]). Il doit rester évident pour le lecteur que, ni les traitements évoqués ci-dessus à titre indicatif, ni aucune méthode proposée ci-après, ne pourront se substituer à un avis ou à un traitement médical et les méthodes trouveront seulement une place en complément du traitement de base délivré par un médecin.
Seul le « principe » du traitement est décrit dans ce paragraphe. Une liste de points sur lesquels il pourra être particulièrement approprié de s’attarder lors de la séance de shiatsu est consultable en annexe 2.
– Si le vertige est lié à un Feu du Foie, lors de la séance de shiatsu il sera approprié de libérer les points qui ont accumulé un trop-plein d’énergie, afin de calmer le Foie, de drainer le feu, de faire tomber le Vent, et si nécessaire de calmer les spasmes et les tremblements. Sur la base d’une compilation de points proposés par différents auteurs présentée en annexe 2, nous pouvons retenir que les points F2, F3, V18, VB20 et RP6 sont consensuels.
– Lorsque le vertige est du à une montée de Yang du Foie, qu’elle que soit l’origine, émotionnelle, alimentaire, vide de Yin du Foie et/ou Vide de Yin du Rein, il conviendra de soumettre le Yang du Foie.
– Dans le cas de Vide de Yin du Foie et/ou du Rein il faudra également tonifier le Yin de Foie ou le Sang et tonifier le Yin du Rein.
– Dans les cas de Vent du Foie il faudra rafraichir le Sang, nourrir le Yin du Foie, calmer le Vent, calmer les spasmes et arrêter les convulsions si nécessaire.
La combinaison que je favoriserais dans les cas de plénitude du Foie sera F2, point Feu du Foie, qui « apaise le foie et calme le vent » (référence bibliographique [24]), V18, point Shu dorsal du Foie, VB20 qui « dissipe le vent » (référence bibliographique 1) et RP6 qui « accroit le Yin » (référence bibliographique 1).
Comme mentionné en avant propos, l’origine du déséquilibre d’un organe est à rechercher parmi les causes climatiques, les causes alimentaires, les sentiments, la constitution et le vieillissement. La tension émotionnelle, l’alimentation, sont des causes communes à tous les déséquilibres du Foie, Vide de Sang, Vide de Yin, Plénitude, Vide-Plénitude (voir tableau 1). Les problèmes qui surviennent dans la vie émotionnelle : frustration, colère refoulée, ressentiment, ainsi que l’incapacité de s’adapter à un stress, sont de loin les causes principales de déséquilibre du Foie. Il conviendra donc, en plus des points proposés d’amener le consultant à « mettre le doigt » (shiatsu) sur la cause de son déséquilibre émotionnel pour s’acheminer vers un soulagement durable. Quelques conseils d’hygiène de vie, comme une activité physique adaptée à l’âge, à l’état physique… des suggestions concernant l’alimentation aideront également le consultant à prendre conscience que l’amélioration de son état de santé est entre ses mains (référence bibliographique [16]).
En conclusion de ce paragraphe, nous pouvons noter que plusieurs points communs apparaissent entre médecine occidentale et médecine traditionnelle chinoise. Le foie se retrouve impliqué dans les vertiges aussi bien en médecine traditionnelle chinoise qu’en médecine occidentale. Toutes deux reconnaissent une fonction équivalente au foie, à savoir, respectivement la fonction de détoxification et la fonction de drainage du sang. Le feu ou l’inflammation du foie sont décrits par les deux médecines.
Cependant, il existe également des différences notables. Ainsi, alors que les déséquilibres du Foie sont une des causes majeures de vertige en médecine traditionnelle chinoise, le foie est concerné, de façon plutôt marginale, en médecine occidentale, avec les troubles hépatobiliaires. Enfin, les problèmes qui surviennent dans la vie émotionnelle : frustration, colère refoulée, ressentiment, sont une des causes majeurs de déséquilibre du Foie en médecine traditionnelle chinoise.
Alors que nous notions la disproportion entre le nombre de pathologies à l’origine de vertiges selon la médecine occidentale, et les syndromes de la médecine traditionnelle chinoise dans lesquels se retrouve la sensation vertigineuse, nous constatons que l’analyse proposée ici, basée à la fois sur l’état fonctionnel du foie, la description des troubles, les symptômes…, permet de réduire cet écart, puisqu’un grand nombre de causes de vertige décrites par la médecine occidentale peuvent être rattachées à un déséquilibre du système complexe Foie selon la médecine traditionnelle chinoise (tableau 3).
Médecine traditionnelle chinoise |
Médecine occidentale |
Déséquilibre du Foie | Certains troubles hépatobiliairesTroubles de la vueVertige d’altitudeVertiges d’origine toxiqueFaiblesse musculaireTroubles psychiques et problèmes de la vie émotionnelle
Mal des transports Maladie de Parkinson Epilepsie Vent Luminosité |
Plusieurs causes de vertige n’ont pas été attribuées à la Plénitude du Foie, de même la montée de Yang du Foie et le Vide de Yin du Foie n’ont-t-ils pas, non plus, été rapprochés de pathologies hépatiques décrites par la médecine occidentale. C’est ce que nous allons adresser maintenant. L’examen du tableau 1 (Causes des vertiges selon la médecine occidentale et la MTC) avait révélé que, en plus du foie, le sang était également mentionné aussi bien dans l’étiologie des vertiges de la médecine occidentale (origine cardiovasculaire) que dans l’étiologie des vertiges de la médecine traditionnelle chinoise. Comme nous venons de la faire pour le foie, nous allons maintenant examiner dans quelle mesure il est possible de comparer le « sang » comme cause de vertige dans la médecine occidentale et dans la médecine traditionnelle chinoise.
[1] Le diabète bronzé http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57402897/texteBrut
[2] Troubles hépatiques et vésiculaires http://www.01sante.com/contenu/page/troubles-hepatiques-et-vesiculaires-501
[4] Maciocia, G. 2012. Elsevier. Les principes fondamentaux de la médecine chinoise. 2nde édition
[5] Classification Internationale des Maladies http://www.cim10.ch/index.asp?lang=FR&consulter=oui
[6] La congestion hépatique http://fr.wikipedia.org/wiki/Congestion_%28m%C3%A9decine%29
[7] Congestion du Foie http://www.swissnat.com/FrontOffice/i1331/article/Therapies-digestives/Congestion-du-Foie.htm
[8] Shiatsu – Opportune Coste http://www.shiatsu-cheval-chien.fr/shiatsu-equin.html
[9] Kiener, E., 2008. Feu du Foie, Qi du Foie, Yang du Foie. En 2008, comment l’interpréter ?
http://www.congress-info.ch/upload/handouts/300/ASA08_HR2_EricKiener.pdf
[12] Hépatites toxiques http://www.santepratique.fr/hepatites-toxiques.php
[13] Hépatite médicamenteuse et toxique http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie-medicale/hepatite-medicamenteuse-et-toxique
[14] Goret, O., Vertiges, http://www.gera.fr/Downloads/Formation_Medicale/vertiges-et-troubles-de-l-equilibre-/goret-145622.pdf
[15] Wu, M. and Cheng, C., 2011, Liver disease en traditional Chinese medicine. 709 research report.
[16] Eugène, H. Perfectionnement au Kenko Shiastu traditionnel, 2009, Chiron
[17] L. Moulonguet, 2014, Vertiges : étiologies
http://lucmoulonguet.ovh.org/index2.php?option=com_content&do_pdf=1&id=104Pathologies
[18] Maladie de Parkinson et médecine traditionnelle chinoise
[19] Stephan J-M., 2009, Acupuncture et maladie de Parkinson, XIIIèmes journées de la FA.FOR.MEC, Lille, 27-28 novembre 2009 http://www.acupuncture-medicale.org/faformec%20lille/STEPHAN-PARKINSON.pdf
[20] Le Foie http://www.cours-medecine.info/physiologie/foie.html
[21] Dubois, J-C. 1983, Méridiens 63-64, p93-104. Traitement des vertiges en médecine chinoise
[22] Gourrin, D-M. 1986. Mémoire d’acupuncture, Université de Bordeaux II, Unité de Formation et de Recherche des Sciences Médicales. Les vertiges en acupuncture
[23] Parkinson http://www.parkinson.ch/index.php?id=154&L=1#c3013
[24] Lian, Y-L, Chen, C-Y, Hammes, M, Kolster B. C. Atlas illustré d’acupuncture. H.F. Ullmann